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Carnet de voyage d'une joueuse de Go belge en Chine
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7 août 2009

Xi'an, journal de bord: le 7 août

Je suis une écrevisse. Les écrevisses chinoises sont grandes et grassouillettes, elles ont deux jolies nattes brunes, des yeux brillants de bonheur, et la peau rouge comme de la peau d'écrevisse. Eh bien c'est charmant. En fait, après nous avoir bien engraissés, Fan a décidé de nous emmener faire du sport. En effet, les remparts de Xi'an sont bien assez larges pour se promener et idéaux pour une balade à vélo. Mais d'abord, il fallait suivre un cours sur le fengshui (géomancie chinoise) : il s'agit de conseils d'urbanisation basés sur les superstitions, les symboles, et l'architecture fonctionnaliste. Par exemple, à Hong Kong, deux bâtiments ont un feng shui très négatif : le bâtiment A a une forme de grand couteau chinois dirigé vers le bâtiment B, qui a fait monter sur son toit un grand fusil menaçant le bâtiment A. Les affaires des deux entreprises en question sont très florissantes, mais personnes ne serait étonné si un jour les deux bâtiments s'effondraient. Par contre, la banque de Chine à Beijing a une forme de fauteuil, et en plus le nombre d'étages renforce symboliquement l'idée de stabilité. D'autres principes s'appliquent notamment à la construction aux abords des axes routiers et des cours d'eau, aux montagnes, aux arbres (pins pour les tombes, cyprès pour l'empereur, arbres à kakis pour la famille...), aux portes (miroirs, cloisons, lions, dragons). Après, il fallait caresser une statue porte-bonheur, acheter des petits dragons en jade, et louer des vélos pour la balade. La balade était charmante ; à notre gauche, l'extérieur de Xi'an, d'immenses building, des voitures, et la gare ; à notre droite, la vieille ville, de vieux bâtiments aux fenêtres brisées, le linge qui pend, les murs gris, les arbres, les frises colorées, les marchés de fruits et légumes, le petit temple garni de guirlandes de papier... A Beijing, la Chine ancienne et la Chine nouvelle se chevauchaient avec étrangeté ; ici à Xi'An, elles sont séparées par un solide rempart long de 14 km. Mais mon émerveillement a vite été rappelé à l'ordre par des soucis bassement matériels : nos vieux vélos bringuebalaient tant bien que mal sur la route chaotique et la selle me faisait très mal. Ce n'est pas rigolo à dire mais ça a un peu gâché la balade...

Bon, et comme je le disais au début, j'ai attrapé plein de coups de soleil. Je ne m'y attendais pas du tout, en fait, parce qu'on ne voit que très rarement le soleil par ici ; à Xi'an, c'est dû à la pollution ; à Beijing par contre, le brouillard permanent qui englobe le bout de la rue et cache la moindre parcelle de ciel est uniquement dû à l'humidité ambiante, de nombreuses mesures anti-pollution ayant été adoptées depuis l'organisation des jeux olympiques.

Mais nous avons passé une bonne partie de la journée à l'extérieur, à visiter des temples. Vous vous dites peut-être que ce n'est pas une raison pour écrevisser. Quand vous visitez une église, par exemple, vous ne songeriez jamais à protéger votre peau du soleil. Mais ici, il s'agissait des deux pagodes (la Grande Pagode et la Petite Pagode, aussi appelées respectivement la Pagode du Roi Singe et la Pagode de l'Oie Sauvage) construites au milieu de parcs où l'on trouvait aussi différentes salles de prière. Les parcs étaient de jolis endroits paisibles et agréables à visiter ; les salles de prière, exigües et solennelles, ne méritaient pas plus qu'un coup d'oeil attentif. J'ai quand même pu voir - enfin - une représentation de Guanyin (une sorte de Bouddha qui ressemble à notre sainte Vierge, si on peut dire ça comme ça) qui a mille bras et s'assied sur une fleur de lotus. Il y avait aussi des moines qui priaient et des fruits et des gravures qui racontaient le Voyage vers l'Ouest (expédition d'un moine vers l'Inde et inauguration de la Route de la Soie) et la vie de Bouddha. On peut retrouver des similitudes amusantes entre leurs deux histoires et celle de Jésus : une nuit, une femme a rêvé d'un moine et le lendemain elle était enceinte d'un petit garçon qui allait devenir le moine bouddhiste le plus célèbre du monde ; plus tôt, une reine qui avait rêvé d'un éléphant était tombée enceinte de Bouddha.

Derrière la petite pagode, il y a un magasin qui appartient à la tante de Fan Hui, une dame très gentille qui nous a offert plein de réductions sur ses articles, et a fait des calligraphies de nos prénoms chinois. C'est là qu'on a gravé nos sceaux - le sceau est un objet important sur le bureau chinois, il équivaut à une signature. On a même pu s'essayer à la calligraphie =)

Après on a visité un petit musée surprise avec des vases et plein de représentations de Bouddha. Et puis on est allés dans le quartier musulman.

On est arrivés vers 21h et le quartier était toujours aussi animé qu'en plein jour. Les rues étaient remplies d'échoppes qui vendent toutes sortes de choses - bijoux, jouets et autres chaussures - mais surtout de la nourriture, fruits séchés ou viande grillée. La foule se presse dans tous les sens et l'atmosphère est plutôt joyeuse. J'avais fait un jour un travail sur la communauté musulmane en Chine mais je ne m'imaginais pas qu'elle était aussi bien intégrée. Certaines femmes portent le voile, et la nourriture n'est pas la même qu'ailleurs, mais la population m'a l'air globalement beaucoup plus chinoise qu'arabe par exemple.

Toute écrevisse que je suis, mon visage a changé de couleur quand j'ai vu le restaurant où nous allions manger. Le sol était si sale que j'étais étonnée qu'on ose y poser des chaises. La viande était grillée à l'extérieur, sur la rue. En montant au premier étage, j'ai vu trois jeunes serveurs descendre deux immenses casseroles de vaisselle sale - au péril de leur vie au vu de l'équilibre difficille. La salle où nous  mangions était grande, sale, surpeuplée, et de temps à autre nous arrivions à crier assez fort pour attirer un serveur dans notre direction. Des garçons passaient avec des grandes bassines de brochettes et nous nous en faisions servir par poignées - des petites brochettes très minces avec deux ou trois bouchées de viandes très piquantes et, pour certaines, très coriaces. Autant de viande à manger, même pas d'assiettes pour déposer les crasses, pas de légumes, les hommes étaient au paradis ; les femmes ont réclamé autre chose et une serveuse a fini par apporter un gros bouillon contenant toutes sortes de choses étranges - des champignons, du tofu, du chou de shanghai, de grandes tranches de viande, plein d'huile, des tomates etc. Ca ne m'a toujours pas ouvert l'appétit. Alors un serveur a apporté des pains ronds et plats grillés au paprika et au cumin ; ça, c'était délicieux, délicieux, délicieux. Parfaitement assorti à la chair d'écrevisse.

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