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Carnet de voyage d'une joueuse de Go belge en Chine
Carnet de voyage d'une joueuse de Go belge en Chine
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3 septembre 2009

Shanghai, le 2 septembre

J’ai peu dormi cette nuit encore : des piqûres  de moustiques et des problèmes d’argent m’ont tenue éveillée. J’attendais ce matin la visite d’un jeune 7d qui étudie dans la même université que moi, Nicolas. Je n’avais pour l’accueillir ni table ni chaise et pas même un goban ; alors je suis sortie, fatiguée de me désespérer derrière mon ordinateur à comparer les prix des transferts internationaux. En passant à la banque j’ai tout d’un coup trouvé une solution : je pouvais retirer directement sur ma carte belge, alors tout s’est arrangé d’un coup et je me suis mise à aller mieux. Je me suis trouvé d’urgence un petit goban à 15rmb au fond d’une sorte de quincaillerie de plastique.

Nicolas arrive vers 10h. Il regarde mes pieds, roses de piqûres de moustiques, gonflés d’excroissances irrégulières. Pris de pitié, il m’emmène dans le minuscule magasin où j’achète à boire, et il me trouve une petite bouteille d’un remède chinois qui sent bon et ressemble à de l’absinthe. En quelques secondes, mes démangeaisons s’apaisent et une sensation de fraîcheur se répand sur ma peau. Maintenant, je vais bien.

Nicolas me latte à six pierres, comme prévu. Il m’explique qu’il est membre de l’équipe universitaire de SISU, qui a gagné le championnat inter-universitaire cette année. Les joueurs y sont entre 7d et 3p. Il est aussi responsable du club de Go de SISU – qui se réunit malheureusement à l’autre bout de la ville. 

A 14h, je me rends à l’école où je vais donner des cours d’anglais. C’est une école maternelle – secondaire dépendante de SISU, où étudient quelques 2000 élèves. Les grands bâtiments spacieux sont bordés de terrains de sport où des classes rangées deux par deux, en uniforme, exécutent des mouvements sous les ordres d’un sifflet.

Mme Yang est ma responsable – ce qui est difficile à assumer parce qu’elle a l’air plus jeune que moi, avec sa petite taille et sa pétillance vive. Elle me montre les bâtiments puis m’offre un gobelet d’eau chaude. Je me mets, tout d’un coup, à devoir aimer l’eau chaude, parce que sa collègue m’observe. La responsable de l’enseignement et la sous-directrice viennent me rencontrer, puis elles ont une longue discussion en chinois sur mon programme. Elles ont l’air ennuyées  d’apprendre que je n’ai pas d’expérience d’enseignement. Moi, je tiens en main mon gobelet d’eau tiède à moitié plein. Puis elles me laissent seule avec Max, un jeune professeur d’anglais qui m’assistera  dans mes cours. Il s’excuse pour ses responsables qui parlent chinois très vite, et il me présente les livres avec lesquels il travaille. Il dit que les étudiants qui faisaient mon boulot les autres années n’étaient pas assez sérieux, et qu’il faudrait que je suive une vraie méthode pédagogique pour donner mes cours : introduction, stimulation, pratique. Je suis d’accord, et je suis aussi très contente d’être assistée par un vrai prof. Je me dis qu’enseigner pendant six mois, ça va être une chouette expérience. J’aurai des classes de 46 élèves – l’élite de chaque grade – qui ont, paraît-il, un anglais excellent. Je devrai préparer tous mes cours en ppt, et les faire relire par Mme Yang et Max ainsi que les feuilles à distribuer aux élèves. Je devrai donner trois cours par semaine, chacun durant deux heures, et accueillir les élèves le matin à la porte de l’école en leur parlant en anglais assez fort pour que les parents m’entendent parler anglais (question de réputation de l’école, c’est aussi pour ça que c’est important que je ne ressemble pas à une Chinoise).

Mme Yang me montre une photo du proviseur et, avec fierté, les photos des échanges avec les écoles jumelées aux États-Unis. Elle me fait admirer la discipline des élèves qui exécutent leurs danses militaires sur le terrain de sport. En chemin, elle me demande si je n’ai vraiment pas d’expérience avec les enfants. Bien sûr que si, je suis animatrice de camp d’été – disons, prof de vacances – et je suis aussi conteuse… Elle m’arrête là.

Pour les cours, elle dit  que je n’aurai pas besoin de bouquins ; je dois préparer des jeux et des activités pour encourager les élèves à parler anglais. Je lui explique ce que Max m’a dit, mais elle est formelle.

Ma chambre est plus spacieuse qu’une chambre d’hôtel, et j’ai de jolis draps de lits à fleurs mauves. Il y a une jolie cuisine, un salon, une télé, un ordi, une imprimante, et tout l’électroménager dong je peux avoir besoin, jusqu’au grille-pain et au sèche-cheveux. Elle m’explique que je suis la seule à habiter cet étage, prévu pour accueillir une trentaine de personnes. Je pourrais trouver ça confortable, mais ça me fout le cafard d’être entourée de chambres vides pendant cinq mois. Et puis je suis étonnée, je pensais ne pas être la seule dans ce programme. Peut-être qu’il y a un autre étage.

Je quitte l’école assez tôt pour me rendre au cours de laoshi2 de 16h30. Le niveau y est peut-être un peu bas, mais j’aime bien la manière dont laoshi2 donne cours, il est très explicite dans ses expressions et très pédagogique dans ce qu’il montre, si bien que je retiens tout ce qu’il dit même quand je ne comprends pas. Et puis j’aime bien cette école. On retrouve la même ambiance qu’aux cours de solfège du soir quand j’étais petite : des enfants fatigués qui courent et crient partout à la première occasion, une camaraderie mignonne, la faim patiente qui se réjouit du souper. Bon, la différence avec le cours de solfège, c’est que Maman ne s’est jamais tenue derrière moi pour me frapper avec un éventail si je chantais faux ou si je regardais par la fenêtre. J’aime bien aussi les pierres, des pierres de toutes sortes pêle-mêle dans des paniers de plastique rouge : des grosses pierres de verre ou de faux verre, des pierres japonaises en plastique, de fausses pierres de jade, des pierres ternies par la poussière qu’ont apportée tous les joueurs qui les ont tenues entre leurs petits doigts ; chaque pierre brille d’un éclat différent et, sur le plateau, elles se côtoient simplement, hétéroclites.

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Commentaires
P
Bonjour,<br /> Blog intéressant. Une joueuse de go, belge en chine, ca c'est pas courant. On peut même dire que c'est extraordinaire. Apprendre à parler anglais à une "petite" classe de 46 élèves, c'est encore plus extraordinaire. J'ai souri tu raconte qu'il fallait accueillir les enfants et devoir parler anglais fort, pour la réputation de l'école, épatant!
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