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Carnet de voyage d'une joueuse de Go belge en Chine
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15 août 2009

Suzhou - Hangzhou, le 13 août : journal de bord

Note : le "lilas des âmes" dont je parlais plus tôt est en fait un "lilas des Indes" ou "Fleurs de Mousseline" (merci à mes grands-parents qui ont fait la recherche pour moi)

Une matinée bien difficile pour moi : accablée d'un stupide mal de ventre, j'ai suivi la petite troupe pour escalader une des plus grandes montagnes de la région. Un empereur avait choisi d'y faire construire son mausolée ; l'endroit était magnifique, bien décoré, parsemé de petits bâtiments et de beaux escaliers, chaque parcelle de végétation entretenue avec soin ; mais au moment où, lasse, je baissais les bras après quelques escaliers, déterminée à prendre le soleil pendant que les autres termineraient de monter la colline, Fan m'a fait remarquer qu'on était déjà en haut. Le relief de la région est en effet tellement plat que deux ou trois cents mètres d'altitude méritent d'office le nom de montagne.

De là, on pouvait voir Suzhou d'en haut, mais si vous voulez mon avis, la vallée de l'Ourthe du point de vue du bois du Boubou est beaucoup plus jolie. On est redescendus, par contre, par un parc de bonzais tout à fait adorables ; c'est alors que s'est posée la question fondamentale de savoir si la culture de bonzais relève ou non de la torture. Moi, je pense que non. Mais l'"acharnement" qui consiste à les déterrer (dans certains cas) pour leur couper les racines tous les jours est considéré par certains comme de la torture végétale. Autant dire que c'est le dernier de mes soucis.

Ensuite nous sommes allés visiter une usine de soie. J'ai fait des découvertes impressionnantes. Les vers à soie se nourissent de mûriers blancs ou noirs, et chaque soie régionale est différente car les mûriers varient selon la qualité du sol, le climat, les nutriments etc. La soie est fabriquée à partir du fil que produit le bombyx pour son cocon ; chaque cocon (environ 2cm³) est composé d'un kilomètre de fil. Lorsque les cocons sont formés, ils défilent sur des tapis roulants et une ouvrière les trie : ceux qui sont formés d'un fil, de deux fils, ou d'un fil cassé. Lorsqu'un cocon présente des taches, c'est que la chrysalide a déjà commencé à briser le fil pour essayer de sortir ; il est alors inutilisable. Lorsqu'un cocon est formé de deux fils, c'est qu'il était habité par deux chrysalides. Ca n'arrive que très rarement naturellement, mais artificiellement on peut forcer cette situation ; les deux fils étant entremêlés, on utilise la toile récupérée sur l'animal pour créer les couches d'une couette de soie. Une couette standard est composée d'une soixantaine de couches. C'est impressionnant de constater qu'un seul petit cocon peut produire quatre mètres carrés de toile ; les ouvrières qui tirent sur la toile pour l'étendre à la taille de la couette doivent faire preuve d'une certaine force. Les cocons à un seul fil sont filés par une machine qui les tresse 8 par 8 pour un tissu de bonne qualité. Dans les attrape-touristes et les mauvais magasins chinois, on trouve de la soie de mauvaise qualité ; les fils ne sont composés que de 3 à 6 cocons au lieu de 8.

Pour distinguer la soie du nylon, on peut mettre le feu à une pièce de tissu ; le nylon fond et pue, la soie brûle sans odeur. Mais en général le toucher permet de faire la distinction. Tous les marchands affirment que leur marchandise est 100% en soie (HELLO louki louki paidjamas 100% silk louki hello hello hey missy louki véli tchip véli tchip - traduisez : Bonjour, regardez mes pyjamas, c'est de la soie à 100%, très bon marché) mais les meilleures ne sont qu'à 90% en soie. Le 100% c'est impossible et si c'était possible ça ne devrait pas être très solide.

Toutes ces précisions techniques pourraient vous ennuyer mais moi j'ai trouvé ça très intéressant. La soie est un élément qui a tenu pendant trois millénaires une grande importance dans la cohésion sociale et les relations diplomatique de la Chine ; la  Chine offrait souvent à ses voisins de la soie en preuve de bonne entente, cadeau d'autant plus valeureux  que seuls les Chinois savaient comment la fabriquer ; et la fabrication de la soie nécessite le travail de plusieurs femmes pour nourrir et élever les vers, et pour filer et tisser (travail complémentaire à la tenue d'un foyer), et des hommes pour la culture des mûriers. Voilà voilà.

Après, il fallait passer dans un grand supermarché de soie où tout le monde a acheté des couettes, des cravates ou des vêtements, et puis on est allés manger. L'après-midi, nous nous sommes dirigés vers un petit village traditionnel dont je n'ai pas bien compris le nom, qu'on appelle aussi "la Venise orientale" et qui a été totalement remodelé en minis musées et ateliers pour présenter aux touristes les spécialités locales et différents points d'intérêt de la vie chinoise. Lorsque je suis entrée dans le village, on m'a fait goûter une friandise délicieuse et très difficile à mâcher ; quand j'ai eu fini de goûter le petit morceau que j'avais en bouche, l'échoppe était déjà loin, et je me suis dit que j'en achèterais à mon retour. J'ai mis ça dans un coin de ma tête et j'ai continué la visite.

Le long des canaux s'alignent des petites maisons en bois sombre, un peu irrégulières, pas très classes. C'est le moment de mon voyage où je commence à en avoir ras-le-bol des échoppes à touriste qui bordent tous les chemins et qui crient à tue-tête que leurs éventails sont les plus jolis de la Chine. Plus j'avance, plus  ils se font agressifs, et je passe progressivement des gentilles vieillardes bienveillantes à des mégères en colère qui gueulent, furieuses que je ne leur porte aucune attention, "regarde-moi" dans toutes les langues qu'elles connaissent. Heureusement quand l'espace entre les maisons et le canal se fait plus étroit, les échoppes s'effacent et on se retrouve marchant dans un paysage tout à fait traditionnel (enfin, j'imagine). Dans les maisons, des choses sont exposées : des pièces de monnaie (aucun rapport avec la culture chinoise), des meubles, des morceaux de bois sculpté... On peut visiter un temple taoïste/populaire, regarder une pièce de théâtre (en l'occurence un monsieur qui crie/chante/s'évente à grand fracas tout seul sur une scène) ou des marionettes (figurines de peau d'âne colorées et déplacées avec humour et agilité sur un écran lumineux)...

Au retour, je guette avec avidité les marchands de bonbons. La friandise traditionnelle est formée d'une pâte blanche très sucrée étirée mille fois, jusqu'à devenir assez dure et difficile à mâcher. Il paraît qu'elle n'abîme pas du tout les dents parce qu'elle est composée de sucre naturel. Disent les marchands. Moi, je cherche, je cherche, et je ne trouve plus l'échoppe où j'ai goûté mon petit bonbon ; j'en trouve d'autres qui font les mêmes, mais en font une propagande si bruyante que cela m'ennuie. Finalement, je me rabats sur des bonbons semblables qu'une jeune fille vend ; en fait ça n'a rien à voir, c'est une friandise de Shanghai qui ressemble à du nougat enrobé de sucre filé. C'est bon et ça fait des crasses.

Bon, on passait par ce petit trou à touristes en allant visiter Hangzhou, donc on continue notre route. Toutes les personnes qui ont posé les pieds à Hangzhou m'ont recommandé de visiter ce "village" aussi grand que Paris. Nous arrivons directement au Centre de Go de Hangzhou, qui est en fait un hôtel partiellement aménagé pour loger des étudiants de Go ; c'est l'hôtel le plus classe qu'on ait habité jusqu'ici, et en plus le restaurant "pas cher" est super bon, et dans les couloirs ça sent bon la violette ; le restaurant "très cher" et la cave à vins, tout en haut de l'hôtel, sont aménagés dans les étages 33 et 34 de l'immeuble. Outre le fait qu'on peut voir de ces étages tous les immeubles voisins du quartier moderne, il faut savoir que ces deux étages sont posés sur le reste de l'immeuble dans la forme d'une pierre de go géante, toute couverte de verre. Dans la décoration de l'immeuble - qui est chic et élégante, vous l'aurez compris - il y a, bien sûr, de nombreux éléments qui rappellent le Go. Les fauteils du bar sont noirs et blancs, la grande fontaine à l'entrée est un bol de pierres entouré de pierres géantes, et les messages de secours, sur les portes des chambres, sont écrit sur des pierres noires et blanches. Dans l'entrée, il y a un tsumego géant sur un goban qui occupe tout un mur, et sur chaque pierre il y a la signature d'une personnalité du Go. La moitié de l'immeuble est consacrée au Go (salles de classe mais aussi chambres d'étudiants, salles de compétitions, magasin, et bientôt musée de Go...) et l'autre moitié est un hôtel qui permet de financer le centre de Go. Il fallait y penser.

Nous sommes juste à côté du lac où nous allons faire un petit tour pour regarder passer les bateaux. Hangzhou accumule les charmes d'être une ville fluviale et de s'organiser autour d'un grand lac que nous visiterons demain.

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